LETTRE DE BALTHAZAR (55)
de Port Camargue à Marseille
du Jeudi 21 Août au Vendredi 26 Septembre 2014
Alors que nous préparons notre appareillage de Port Camargue ce Jeudi 21 Août un toc toc discret résonne dans la coque. C’est Morgan qui vient très gentiment nous remettre dédicacé le livre de SOLIDREAM, illustré de magnifiques photos, contant leur tour du monde à vélo, livre que nous offre Daniel Gazanion, notre ami et compagnon d’aventure dans l’ouragan de la baie Thétis (voir lettres 22 et 23).
Oui, c’est une aventure stupéfiante qu’il vient de réussir en y entraînant deux copains. Morgan a fait dans son enfance un tour du monde pendant sept ans en voilier avec ses parents. Il écoutait en rêvant son père, Claude Monchaud, raconter ses aventures à bord de KIM le voilier sur lequel il avait circumnavigué et hiverné en Antarctique, en compagnie de Daniel et de deux autres copains. A l’âge de 8 ans, rentré en France, il ne cesse de dire qu’il entreprendra lui aussi son tour du monde. Mais celui qu’il va mûrir a une dimension incroyable : la traversée de tous les continents à vélo, n’hésitant pas au passage à se lancer dans des défis personnels comme l’ascension du Mont Tom en Californie, la descente du Yukon en radeau ou de la Tongarito néo-zélandaise en bodyguard, voire le cerf volant tractant leurs lourds vélos dans le bush australien, ou la traversée du Drake et un séjour dans la péninsule Antarctique . Pour cette dernière ils partent sur Ocean Respect, le voilier de Daniel, avec les trois anciens de KIM, Daniel, Claude et Michel (le quatrième de cette autre aventure ayant malheureusement disparu) qui font un pèlerinage, trente ans après, sur le lieu de leur hivernage en Antarctique); c’est à Ushuaia que nous avons rencontré toute l’équipe et réveillonné au jour de l’an 2011, la veille du départ de Balthazar pour l’Antarctique.
Parti de Port Camargue, diplôme d’ingénieur de Grenoble en poche, il vient d’y revenir trois ans plus tard avec son équipe SOLIDREAM et d’y fêter le succès complet de cet incroyable projet. Car la traversée des continents n’est pas faite a minima. Par exemple la traversée des Amériques part de l’extrémité sud de la Terre de feu, à Ushuaia, pour aboutir à Prudhoe Bay sur l’Océan glacial Arctique, en passant par le désert d’Atacama, la route de la mort, la transamazonienne et autres multiples défis. 54000 kilomètres d’aventures innombrables à 8€ par jour. Chapeau très bas Morgan et Solidream. Bonne chance pour le film que vous montez. A en juger par la qualité exceptionnelle des photos de votre livre (un très beau cadeau à faire aux parents et amis, jeunes et moins jeunes passionnés d’aventures et de voyages, à commander sur leur site www.solidream.net) nul doute que votre film sera exceptionnel.
Samedi 23 Août fin de matinée. Port-Vendres. La famille de Christophe arrivant de Toulouse retrouve Balthazar, arrivé Jeudi soir de Port Camargue, sur lequel les deux plus jeunes, Côme et Laure embarquent pour une petite croisière de 8 jours à Minorque. Joie des retrouvailles autour d’un repas familial au restaurant.
Comme tous les ports, Port-Vendres a partagé les évènements dramatiques de notre Histoire. C’est ici que s’est embarqué pour Londres, au moment de la débâcle, un important contingent de pilotes militaires polonais qui avait réussi à s’enfuir. Ils furent immédiatement plongés au cœur de la bataille d’Angleterre et y jouèrent un rôle important alors que la RAF manquaient cruellement de pilotes formés, tant les pertes étaient élevées. C’est d’ici que le régime de Vichy expédia dans les geôles ou les camps d’Afrique du Nord des Juifs et des prisonniers politiques. C’est ici qu’au moment de la signature des accords d’Evian, de nombreux rapatriés débarquèrent de chalutiers provenant des principaux ports algériens, fuyant leur pays à feu et à sang.
En fin d’après midi avec nos deux nouveaux jeunes équipiers nous doublons le cap Béar puis le cap Creus au portant sous génois seul pour aller mouiller en Espagne dans le cadre sauvage et agréable de la Cala Guillola. Baignade et nuit calme dans ce mouillage parfaitement abrité de la tramontane.
Dimanche 24 Août. Traversée par vent faible de NE virant progressivement au Sud puis au SSW. Le près par petit temps est une allure agréable ; la mer est plate, le vent apparent est renforcé suffisamment pour avancer et la gîte est modérée. Mais évidemment il ne faut pas chercher à serrer trop le vent si on veut maintenir une vitesse suffisante. La météo annonçant des vents de secteur Sud pour les trois jours qui suivent, rendant les calanques du Sud inconfortables, j’altère légèrement la route pour atterrir sur la côte nord de Minorque.
Lundi à 11H l’ancre plonge dans la très jolie calanque d’Addaya, profonde et très protégée par des îlots. Il faut un endroit calme pour permettre à nos nouvelles recrues de s’amariner. Le site boisé de pins et bordé par de jolies villas blanches entourées de bougainvillées est fort agréable. Un petit port abrité derrière un îlot est installé au pied de ces maisons. Baignade et farniente. Le lendemain matin nous sortons de la Cala pour arrondir les récifs Addaya et mouiller immédiatement après dans la Cala En But dans une eau de lagon parfaitement plate, car bien protégée du vent du Sud. Nous accostons en annexe une petite plage de sable blanc idyllique où nous rejoignent à la nage Mimiche, Côme et Laure. Deux petites familles sont là. Seuls deux longs murs de pierres sèches partageant la colline couverte de maquis attestent la présence ancienne de l’homme. Tout près de la plage une hutte faite de bois flottés abrite sans doute de temps à autres des Robinson Crusoë.
Quelques heures plus tard Balthazar embouque, sous la garde muette des innombrables bouches à feu de la presqu’île de Mola et du fort San Felipe situé au Sud du goulet, l’entrée étroite du vaste fjord méditerranéen de Port Mahon. Des calas accueillantes défilent à bâbord et tribord, puis l’isla del Rey à tribord où Alphonse III d’Aragon , âgé alors de 18 ans seulement, débarqua en 1287 pour chasser les Maures de Minorque.
Evidemment un port en eau profonde parfaitement protégé et facile à défendre, situé au voisinage des eaux espagnoles et françaises ne pouvait qu’attirer la convoitise des stratèges de la Royal Navy du XVIIIième siècle. En 1708 les Anglais profitent de la guerre de succession d’Espagne pour s’emparer du fort San Felipe et s’assurer la maîtrise de l’île. Ils gagnaient ainsi un atout stratégique dans leurs démêlés avec la France et l’Espagne. L’occupation est ratifiée par le traité d’Utrecht de 1713 montrant bien ainsi, comme pour Gibraltar ou Malte la constance de la stratégie navale britannique.
Mais en 1756, au début de la guerre de Sept Ans, l’escadre française de La Galissonnière débarque à Ciutadella, l’autre petit port du côté opposé de l’île, l’armée du maréchal duc de Richelieu, petit-neveu du cardinal, qui s’empare du fameux fort San Felipe et de la ville de Mahon après deux mois de siège. Minorque est alors un sujet de conversation favori à la cour de Louis XV où l’on portait des rubans noués à la Mahonnaise et où la mahonnaise, devenue mayonnaise , fit une entrée remarquée.
Mais l’occupation française est de courte durée car en 1763 le traité de Paris qui met fin à la guerre de Sept Ans permet aux Anglais de négocier avec la France le retour de l’île entre leurs mains.
C’est le traité d’Amiens de 1802 qui finalement restituera Minorque à la couronne d’Espagne après que Carlos III les en ait délogés en 1782 et bien que les anglais aient tenté de la récupérer quelques années plus tard.
La rade se resserre et la ville fortifiée aux maisons blanches et aux églises anciennes apparaît sur les pentes escarpées de la rive Sud.
Accueil fort sympathique à la marina Menorca récemment aménagée tout au fond du fjord. La Mamie et nos jeunes équipiers pourront récupérer dans un site tranquille et une eau plate de cette traversée de la mer des Baléares.
Mercredi 27 Août. Balthazar est mouillé au sein de la superbe Cala Covas dans un décor naturel somptueux. Pendant que JP contrôle le bateau à l’aide du moteur et du propulseur d’étrave le capitaine est allé en annexe frapper une aussière flottante de 100m, enroulée sur un tourillon fixé au balcon arrière, sur le câble d’acier qu’il a installé autour d’une roche bien coupante au ras de l’eau. Le matériel de l’Antarctique est de sortie ! (en Antarctique Balthazar disposait de quatre tourillons de 100m et de leur câble d’acier, deux fixés aux balcons arrière, deux fixés aux balcons pied de mât. Ils ont servi simultanément tous les quatre. Pour les croisières plus classiques j’ai maintenant retiré les deux tourillons de pied de mât. La longueur permet alors de s’éloigner suffisamment du rivage pour aller mouiller 40m de chaîne à l’avant par 6,5 m de fond.
Nous voilà bien mouillés tête et cul dans cette étroite calanque, au chausse pied, un catamaran et un autre voilier nous encadrant en étant également tenus par un bout à terre. Eau cristalline à 27°, pins d’un vert soutenu, petites falaises blanches et ocres, la Cala Covas est vraiment l’archétype des calanques méditerranéennes. Nous l’apprécions d’autant mieux que le calme du soir s’est installé après le départ des petites embarcations y venant pour la journée. Quel plaisir de s’y baigner et de savourer l’apéritif dans le cockpit.
La cala Maccarella est également très belle. Plus large elle nous laisse le lendemain la place d’éviter sur notre ancre principale. Mais les deux petites plages, faciles d’accès, sont bondées de monde et un bistroquet construit en dur se dresse dans les pins en arrière de la plage. Le site est très beau mais plus ouvert et moins sauvage.
Après la baignade du matin, séance favorite de Côme et de Laure : se laisser tracter par Balthazar ayant filé une vingtaine de mètres d’aussière flottante. Lorsque 4 noeuds sont atteints la Mamie siffle la fin de la récréation, nos petiots commençant à boire la tasse.
En fin de matinée Balthazar pénètre dans la calanque étroite et profonde où s’abrite le port pittoresque de Ciutadella. Mouillé sous les remparts de cette petite ville ancienne dans le calme de la fin de saison l’escale est bien agréable,
même si elle est courte puisque nous appareillerons dès cette nuit pour revenir à Port Vendres à temps pour la rentrée des classes.
Une belle promenade nous domine qui nous conduit en ville.
On est surpris d’y découvrir de somptueux palais groupés autour de la cathédrale médiévale, des rues animées, des villas cossues au milieu de lauriers roses le long de la promenade de mer, une industrie de la chaussure.. Ciutadella n’est pas une simple station balnéaire c’est une petite ville (comme son nom l’indique) aristocratique, chargée d’histoire et qui a sa vie propre.
Et pourtant elle a bien failli disparaître après qu’en 1558 une armée ottomane forte de 15000 soldats et dotée d’une puissante artillerie la ravage. Au terme d’une résistance héroïque de 7 jours la ville tombe aux mains des Turcs qui la mettent à feu et à sang. Après 3 jours de carnage dont on a peine à imaginer l’horreur et l’épouvante ils repartent en emmenant avec eux en esclavage près de 4000 habitants. C’était un épisode de la guerre sans merci que se livrèrent de 1521 à 1580 l’empire ottoman, sous Suleiman le Magnifique puis le sultan Selim et l’Empire des Habsbourg d’Espagne, sous Charles V puis Philippe II, pour le contrôle de la Méditerranée. Pratiquement aucune des îles principales de la Méditerranée ne fut épargnée de sièges sanglants, Rhodes, Malte, Chypre, la Crète, Corfou et les Baléares entre autres. Elle se termina par la terrible bataille navale de Lépante (à l’entrée du golfe de Corinthe) en 1571 qui porta un coup décisif à la puissance navale des Turcs et mit un terme à l’expansion ottomane en Méditerranée occidentale.
Ce carnage de Ciutadella fait d’ailleurs écho au massacre en 1535 de la moitié de la population de Port Mahon par le fameux pirate Barberousse, allié et soutenu par les Turcs qui lui avait décerné le titre d’Amiral.
Il faut lire « Empires of the Sea » de Roger Crowley (en anglais) qui raconte d’une manière passionnante cet affrontement entre les deux grands Empires et notamment le récit haletant et effroyable de la bataille navale de Lépante où les galères des Vénitiens, alliés aux Espagnols, aux Génois d’Andréa Doria ainsi qu’aux Chevaliers de Rhodes, jouèrent un rôle décisif. Il fait partie des livres que l’on ne lâche pas avant de les avoir terminés.
Samedi 30 Août, 3h du matin. J’aime ces appareillages dans le silence de la nuit. A hisser les voiles pour remonter ce vent de NE annoncé sur notre route avant que la tramontane et le mistral ne s’installent demain, ce qui nous obligerait à débarquer nos jeunes équipiers à Cadaqués, port de repli indiqué à Christophe prévenu si les caps Creus et Béar devenaient trop difficiles à passer.
Après avoir quitté l’abri de la pointe Est de Minorque la mer devient agitée et Balthazar donne sa puissance au près serré à plus de 7 nœuds. Après 4 heures de ce régime inconfortable mais qui nous assurait la route directe sur le Cap Béar j’abats d’une dizaine de degrés en ouvrant un peu les voiles pour soulager l’équipage en réduisant la gîte. Au près bon plein la vitesse monte à 8 nœuds et le bateau passe mieux dans les lames courtes, propres à la Méditerranée, d’une mer qui s’est creusée.
Côme a trouvé la parade. Bien calé et roulé en boule sur sa couchette, blotti dans la toile antiroulis, il dort toute la journée. Laure, notre intellectuelle, qui avait osé bouquiner comme à son habitude, assise dans le carré, est saisie par un sérieux mal de mer contre lequel elle fait courageusement face sans se plaindre, allongée sur la couchette de mer du carré, celle qui bouge le moins. En milieu d’après midi alors que nous ne sommes plus qu’à une soixantaine de milles du Cap Creus le vent faiblit et adonne comme prévu par les fichiers gribs. Cela nous permet de refaire du près serré pour nous rapprocher du Cap Begur dans une mer moins creuse. Les enfants (Laure a onze ans, Côme douze) ont une faculté de récupération très rapide, c’est bien connu. En quelques minutes son estomac se calme, son visage reprend ses couleurs habituelles et elle va aussi sec réveiller Côme pour jouer. Celui-ci apprenant que l’on aperçoit les montagnes espagnoles répond à sa Mamie :« déjà ? » !
L’odeur de la garrigue se fait sentir en même temps que le vent tombe et que la mer devient lisse. La risée Perkins est appelée à la rescousse. Pourtant dans notre Est le mistral s’installe déjà entre Minorque et la Corse.
A 3 heures du matin ce Dimanche Balthazar accoste à nouveau au quai de Port Vendres après avoir fait ses 170 milles en 24h dont la très grosse partie au près.
Côme, Laure et Mamie quittent le bord après le déjeuner, tous trois bien en forme après cette petite croisière malgré un retour agité. Retour à Toulouse dans l’Espace de Christophe qui est venu les chercher pour la rentrée des classes.
Le soir nous nous offrons un excellent repas dans le meilleur restaurant (gastronomique) de Port Vendres, « la côte Vermeille », que je vous recommande. Nous fêtons ainsi dignement les anniversaires de Mimiche (le 2/9) et le mien (le 1/9), en attendant pour moi de le fêter à nouveau en famille à Toulouse avec celui de Grégoire (du 3/9 ).
Lundi 1er Septembre. 9h30 . Au sortir de Port Vendres la tramontane et le mistral annoncés, ce qui m’avait fait précipiter le départ de Ciutadella, sont bien au rendez-vous. Grand Voile à deux ris, Solent à la première marque pour garder de la puissance, Balthazar tire des bords pour remonter au début cette tramontane nerveuse qui se précipite ici vers le cap Béar en longeant pratiquement la côte et en créant des vagues courtes et hargneuses.
Quatre longs bords bien gîtés nous placent sous le vent, près de la côte. La tramontane reprend alors sa direction à peu près normale à la côte qui s’infléchit, ce qui nous permet maintenant de filer entre 8,8 et 9 nœuds au petit largue bâbord amure sur une mer (presque) plate, le génois à deux marques ayant remplacé le solent.
Longue marche superbe en longeant à distance la côte sableuse du Roussillon par grand soleil qui éclaire de reflets d’argent la mer envahie de crêtes blanches. Vers 16h30, peu avant d’arriver au cap d’Agde, la tramontane tombe presque instantanément, puis immédiatement après le Mistral s’installe brutalement en moins de cinq minutes. Nous venons de franchir la zone de partage d’influence de la tramontane, débouchant du Lauragais et des Cévennes, et du mistral débouchant de la vallée du Rhône sur la Camargue. Mais il ne dépasse pas le bas de la force 6 et nous pouvons poursuivre en route directe en ayant pris auparavant suffisamment de marge par rapport à la route directe depuis Port Vendres pour pouvoir abattre progressivement dans ce vent de NNW et éviter ainsi de terminer au prés serré. Comme dirait Pierre (Dubos) çà pulse bien quand même et Balthazar se recouvre progressivement du sel des embruns.
Nous voilà à 22h30 amarrés à quai dans cette immense marina ou plutôt cité lacustre moderne de Port Camargue, saoulés par 13 heures de voiles et 90 milles parcourus par tramontane et mistral. Que la couchette est confortable et accueillante dans la cabine redevenue horizontale et silencieuse ! Les marins, JP, Mimiche et moi, ont bien mérité un sommeil réparateur.
Un voilier de grande croisière demande beaucoup d’entretien, maintenance ou renouvellement, pour être en permanence en condition d’appareiller. Il vient de parcourir depuis la Bretagne sud quelques 3400 milles et beaucoup d’équipements et de matériels ont parcourus plus de 40.000 milles depuis son lancement en Juin 2008. C’est pourquoi je profite des deux escales de quelques semaines en Août puis en Septembre et de la présence de nombreuses entreprises nautiques installées ici à Port Camargue pour faire tous les travaux nécessaires afin que Balthazar soit prêt à appareiller l’an prochain, l’entretien durant l’hivernage au Vieux Port de Marseille étant plus compliqué à organiser. Voyez un peu pour vous en faire une idée :
- renouvellement du pack de batteries alimentant l’électronique (630AH en 12V)
- remise à neuf du propulseur d’étrave (changement de l’embase contenant les pignons renvoi d’angle cassés, réfection des surfaces de contact des relais de puissance, changement des roulements oxydés du moteur électrique…)
- changement de l’alternateur 12V et de sa courroie
- calibrage de la nouvelle électronique Venet du gestionnaire de batteries
- changement du commutateur de panneaux solaires (PS) permettant d’alimenter avec les deux PS du portique soit , en série, le pack de servitudes 24V (840AH en 24V), soit, en parallèle, le pack électronique 12V
- changement du commutateur permettant d’alimenter en secours le pack de batteries 12V électronique à travers un convertisseur 24/12 V à partir du pack servitudes principal 24V (les deux commutateurs de mauvaise qualité sont remplacés par du matériel professionnel).
- installation d’un interrupteur permettant de mettre hors tension ce convertisseur lorsque le secours n’est pas activé
- remplacement de l’alimentation du congélateur
- remplacement de la vanne de sortie de réservoir gasoil qui créait une entrée d’air parasite faisant ratatouiller le moteur au démarrage par une vanne industrielle.
- remise en parallèle des filtres décanteurs de l’alimentation en gasoil normale et secours
- changement des cartouches de ces filtres et nettoyage
- remontage, isolée électriquement de la coque, de la chaudière du chauffage ayant subie une maintenance chez le fournisseur
- changement du capteur basse pression du dessalinisateur
- remplacement du bloc lanceur du hors bord
- remplacement de la turbine de la pompe de transfert gasoil vers le réservoir en charge de secours
- visite du génois chez le voilier (coutures sur bande UV)
- bloqueur de nerf de chute du solent recousu
- reprises de coutures sur la capote au niveau des fermetures éclair
- remplacement de l’écoute du solent
- remplacement des quatre boulons difficiles d’accès permettant le remplacement régulier de la turbine de la pompe eau de mer du moteur par des vis papillon permettant un démontage/remontage plus rapide.
Quand Anne-Marie nous dit que Balthazar ce n’est pas une danseuse mais un corps de ballet elle n’est pas loin d’avoir raison !
Tous ces travaux effectués et réceptionnés Balthazar est prêt pour rallier son lieu d’hivernage ce qu’il fait Vendredi 26 septembre.
Cette arrivée à Marseille sur Balthazar a pour moi une charge émotionnelle particulière. J’ai décalé ce retour de quelques jours pour avoir une météo favorable, petit vent de NE, petit largue, eau plate sous le vent de la côte et grand soleil. Mes vieux copains d’escalade et d’alpinisme, Claude et Hubert, m’accompagnent. Jean-Pierre (Merle) pris à contre-pied par ce changement de date ne peut malheureusement se joindre à nous. Arriver par la mer sur mon fidèle voilier à Marseille, ma ville natale où j’ai passé toute ma jeunesse jusqu’au passage des concours d’admission aux grandes écoles d’ingénieur, à laquelle je demeure profondément attaché, est effectivement un moment rare. Je ne voulais pas y arriver, comme cela aurait été le cas lors de la première date choisie, par fort vent d’Est dans le nez et pluie ; non, il fallait que ce soit un moment de bonheur.
Ce le fut dès que, passée la bouée Faraman, après avoir laissé sur bâbord les Saintes-Maries de la mer, les Salins de Giraud, Port St Louis du Rhône, puis Fos et Port de Bouc l’approche de la porte méditerranéenne de la France apparut. Mais dès Port de Bouc les souvenirs m’assaillent. C’est ici en effet que mon Grand-Père Jules d’Allest, ingénieur centralien, dirigeait les Chantiers et Ateliers de Provence depuis leur création en 1899 jusqu’à sa disparition en 1927, Direction reprise 17 années plus tard, en 1944, par son fils, mon oncle Jean d’Allest, ingénieur du génie maritime, alors qu’il fallait tout reconstruire. De ce chantier furent lancés près de 160 navires, paquebots, bananiers, cargos, bâtiments de la Marine Nationale et remorqueurs avant de malheureusement fermer en 1966, emportés par la crise de la construction navale européenne balayée par les chantiers navals du Japon puis de la Corée.
En venant de l’Ouest c’est le cap Couronne et le village de Caro qui ouvre cette porte sur la vaste rade. La visibilité ne dépassant pas une dizaine de milles c’est d’abord la face Ouest du rocher St Michel, bien éclairée par cette lumière d’après midi et l’éperon NW du rocher des Goudes, difficile escalade de cette voie ouverte par le regretté Gaston Rébuffat que je faisais il y a déjà 56 ans, qui apparaissent, puis le phare d’atterrissage de Planier qui sort de l’horizon, celui qui perçait la nuit, et que j’observais si souvent depuis la terrasse de ma maison d’enfance au bord de la mer à Endoume; puis se distinguent parfaitement l’île Maïre et son Tiboulen, les crêtes de Marseille Veyre et la Grande Candelle avançant la fine et raide proue de l’arête de Marseille, très belle escalade aérienne. Voilà maintenant les îles du Frioul que nous allons laisser à tribord, et Notre Dame de la Garde fraîchement restaurée dont les feuilles d’or brillent dans le ciel. Comme sortant d’un kaléidoscope ces images apparaissent lentement une à une au fur et à mesure que notre vision à une dizaine de milles progresse à l’allure de Balthazar. L’image a maintenant grossi tout en se faisant plus précise : le chateau d’If, l’île Gaby, les îlettes ou mes sœurs aînées m’emmenaient petit garçon en kayak découvrir le monde, les arches du pont de la Corniche enjambant le vallon des Auffes. La lumière du couchant illumine la pierre ocre de l’Eglise de la Tourrette et met en valeur le moucharabieh, véritable dentelle de béton très réussie du nouveau Mucem.
Entrée dans le Vieux Port si chargé d’Histoire et de souvenirs.
Je ne peux pas ne pas songer à Balthazar d’Allest, mon aïeul en ligne directe franchissant de si nombreuses fois au temps de Louis XIV cette passe entre les forts Saint Jean et Saint Nicolas aux commandes de lourds voiliers de commerce en partance pour les Echelles du Levant ou en revenant. Quel savoir faire et quel courage pour mener ces vaisseaux peu manoeuvrants et remontant mal au vent dans des mers si capricieuses infestées de pirates ou de navires anglais c’est-à-dire ennemis. Il est 19 heures. A la Société Nautique le gardien nous accueille à qui j’apprends qu’il y a longtemps un garçonnet d’une dizaine d’années partait sur la Reine Mathilde, grosse chaloupe ventrue récupérée de la Marine Nationale, en compagnie d’un oncle passionné de mer, Raymond Giraud, et qui m’avait pris sous son aile, mouiller les bouées de régate dans la rade.
Balthazar est cul à quai et son équipage fête ce « retour au cœur de Marseille» autour d’un ti Punch.
L’an prochain Balthazar nous emmènera tel Ulysse plus à l’Est sur le dos de la mer successivement Ligure, Tyrrhénienne, Adriatique, Ionienne et Egée. En attendant il ira fureter dans les calanques, vers les Embiez et les îles d’Hyères et, vous l’avez deviné, ira mouiller au pied de ma maison natale à Endoume.
Aux parents et ami(e)s qui nous font la gentillesse de s’intéresser à nos aventures nautiques à travers ce carnet de voyages.
Celles et ceux qui souhaiteraient lire des lettres de Balthazar qu’ils n’ont pas reçues (et voir quelques photos) peuvent les trouver sur mon site artimon1.free.fr (ne pas taper www devant).
Equipage de Balthazar : Jean-Pierre (d’Allest), Anne-Marie (d’Allest), Côme et Laure (d’Allest) jusqu’à Port Vendres, Jean-Pierre (Merle), Michèle dite Mimiche(Durand) jusqu’à Port Camargue, Claude (Carrière) et Hubert (Boissier) de Port Camargue à Marseille.